Vie des affaires
Assurance « Pertes d’exploitation »
Covid 19 : comment une entreprise a failli être indemnisée par son assureur ...
Un restaurateur était assuré contre les pertes d’exploitation en cas de fermetures administratives dues à une épidémie. Mais voilà, finalement ce restaurateur ne sera pas indemnisé pour ses pertes d’exploitation subies pendant l’épidémie de covid 19. Explications.
Un restaurateur contraint de fermer pendant la pandémie
En 2017, un restaurateur avait souscrit un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière ».
Contraint de fermer en raison de l’épidémie de covid 19 du 15 mars au 2 juin 2020, puis une nouvelle fois à compter du 30 octobre 2020, il a demandé à son assureur d'être indemnisé de ses pertes d'exploitation.
Son contrat d’assurance couvre les fermetures imposées en cas d’épidémie
Pour motiver sa demande auprès de l’assureur, le restaurateur s’appuyait sur cette clause de son contrat :
« La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même.
2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».
Cette clause correspondait parfaitement à la situation du restaurateur.
L’assureur oppose une clause d’exclusion mentionnée dans le contrat
L'assureur a refusé de garantir le sinistre en se basant sur une autre clause excluant : «... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».
Les juges statuent en faveur du restaurateur
Face au refus de l’assureur, le restaurateur engage une procédure judiciaire.
Les juges saisis lui donnent gain de cause en considérant que la clause d'exclusion invoquée par l’assureur vide de sa substance la garantie souscrite par l'assuré.
Les juges ont ainsi condamné l’assureur à garantir le restaurateur des pertes d'exploitation subies à la suite des fermetures administratives ordonnées en raison de l'épidémie de Covid-19.
Censure de la Cour de cassation
Saisie à son tour, la Cour de cassation rappelle que les clauses d'exclusion de garantie doivent être limitées (c. ass. art. L. 113-1). La Cour précise qu’une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ne laissant subsister qu'une garantie dérisoire.
En l’espèce, souligne la Cour, la clause d’exclusion ne visait que le cas dans lequel la fermeture administrative touchait un autre établissement dans le département. Pour la Cour, cette clause ne vidait donc pas la garantie de sa substance.
La Cour de cassation a ainsi censuré la condamnation de l’assureur.
Moralité
Pour permettre au restaurateur d'être couvert par son assurance, l'épidémie aurait dû être une toute petite, petite épidémie, géographiquement limitée au restaurant. Mais quelle pourrait être cette toute petite, petite épidémie ? N'ayant pas la réponse à cette question, nous éviterons de la poser dans notre quiz.
Cass. civ., 2e ch., 1er décembre 2022, n° 21-19343